Directive (UE) 2024/2853 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux : quelles nouveautés pour les fabricants de DM et de DIV ?

A l’aube de ses 40 ans, la Directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux se renouvelle pour s’adapter aux innovations technologiques, lutter contre les incohérences juridiques et garantir une cohérence législative au sein de l’UE. 

Publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 18 novembre 2024, la Directive (UE) 2024/2853 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux abroge son prédécesseur, la directive 85/374/CEE.  

Son objectif ? Etablir des règles communes relatives à la responsabilité des opérateurs économiques pour les dommages causés à des personnes physiques par des produits défectueux et à la réparation de ces dommages.  

Elle devra être transposée dans le droit national des états membres dans un délai de deux ans. 

La Directive (UE) 2024/2853 s’appliquera aux produits mis sur le marché ou mis en service après le 9 décembre 2026.  Pour les produits mis sur le marché ou mis en service avant cette date, la Directive 85/374/CEE continue de s’appliquer. 

Parfois oubliée, mais pourtant incontournable dans le secteur des dispositifs médicaux (DM) et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DIV), la responsabilité du fait des produits défectueux peut avoir un impact financier important pour les parties prenantes, d’autant plus depuis qu’elle a été révisée.  

Parce que oui, la Directive (UE) 2024/2853, tout comme celle qu’elle remplace, s’applique bel et bien aux DM et aux DIV.

 

La notion de «produit» est définie à l’article 2 de la Directive (UE) 2024/2853 comme  « tout meuble, même s’il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble ou interconnecté avec ». Les DM et les DIV sont des meubles, dans la mesure où ce sont des biens qui peuvent être déplacés. Preuve en est, leur mention est faite dans les considérants 26, 30 et 48 de la Directive.  

Mais alors quelles sont les nouveautés introduites par la Directive (UE) 2024/2853 qui impactent  les DM et les DIV ?

 

Extension des personnes concernées (article 8) 

Si la Directive 85/374/CEE ne concernait que les « producteurs », c’est-à-dire les fabricants de produits finis, d’une partie composante ou de matière première, la liste des personnes pouvant être tenues responsables en cas de produits défectueux a désormais été étendue.   

Dans le cas d’un fabricant établi en dehors de l’Union, et sans préjudice de sa responsabilité, le mandataire et l’importateur pourront désormais être tenus responsables en cas de produits défectueux. 

Extension des produits concernés (article 4 point 1)) 

La Directive 85/374/CEE était limitée aux seuls biens meubles, ce qui excluait les logiciels autonomes (non intégrés dans un DM ou un DIV) et par voie de conséquence, les systèmes d’intelligence artificielle.  

Ce ne sera bientôt plus le cas, puisque la Directive (UE) 2024/2853 couvre désormais « les logiciels, les documents de production numériques et les matières premières » 

Elargissement du champ des dommages (article 6) 

Outre la mort et les lésions corporelles, le droit à réparation s’applique désormais également : 

      • aux dommages corporels comprenant les atteintes médicalement reconnues à la santé psychologique,  
      • aux dommages immatériels tel que les douleurs et souffrances 
      • à la destruction ou la corruption de données qui ne sont pas utilisées à des fins professionnelles  

Cela fait plus de motifs possibles pour engager des recours en justice. 

Prise en compte de nouveaux critères pour apprécier la défectuosité d’un produit (article 7) 

La Directive prend en compte de nouveaux critères pour apprécier la défectuosité d’un produit, notamment : 

      • La capacité du produit à poursuivre son apprentissage ou à acquérir de nouvelles caractéristiques après sa mise sur le marché (visant notamment les produits intégrant un système d’intelligence artificielle) 
      • L’effet raisonnablement prévisible sur le produit d’autres produits utilisés conjointement avec le produit (visant les produits connectés) ; 
      • Les exigences applicables en matière de cybersécurité. 

Facilitation de l’obtention de preuves par le demandeur (article 9) 

Des règles ayant pour objet de faciliter l’obtention de preuves par le demandeur ont été introduites. 

Les tribunaux pourront notamment ordonner à l’opérateur économique mis en cause de divulguer les éléments de preuve pertinents dont il dispose, si le consommateur lésé présente des faits et des éléments de preuve suffisants pour étayer la plausibilité de sa demande en réparation. 

Introduction de présomptions de défectuosité et/ou de lien de causalité (article 10) 

La Directive allège la charge de la preuve pour le consommateur lésé en établissant une présomption de défectuosité et un lien de causalité lorsque ce dernier :  

      • Fait face à des « difficultés excessives, notamment en raison de la complexité technique ou scientifique pour prouver la défectuosité du produit ou le lien de causalité entre sa défectuosité et le dommage 
      • Démontre que l’existence du défaut et/ou le lien de causalité est « probable ». 

Cela pourrait particulièrement concerner les dispositifs médicaux innovants (complexité du produit) que la Directive cite expressément comme exemple, au considérant 48. 

Durcissement de l’exonération de responsabilité (article 11) 

Sous la Directive 85/374/CEE, les fabricants de DM ou de DIV intégrant un logiciel pouvaient être exonérés de responsabilité compte tenu du caractère évolutif du logiciel (mises à jour), en jouant sur le fait que la défectuosité ayant causé le dommage n’existait pas au moment de la mise sur le marché et que cette défectuosité était apparue après (conformément à l’article 7b).  

La Directive (UE) 2024/2853 ne rend désormais plus l’exonération de responsabilité possible lorsque la défectuosité d’un produit est due à l’un des éléments suivants, à condition qu’il soit sous le contrôle du fabricant :  

      • Un service connexe  
      • Les logiciels, y compris les mises à jour ou les mises à niveau logicielles 
      • L’absence de mises à jour ou de mises à niveau logicielles nécessaires pour maintenir la sécurité 
      • Une modification substantielle du produit 

Extension du délai de forclusion (article 17) 

La victime disposera d’un délai de 25 ans après la commercialisation du produit pour faire valoir ses droits, contre 10 ans sous l’ancien régime. 

 

Conclusion : Directive (UE) 2024/2853 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux : quelles nouveautés pour les fabricants de DM et de DIV ?  

La Directive (UE) 2024/2853 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux renforce considérablement le niveau de protection des consommateurs en facilitant le droit à indemnisation pour les consommateurs lésés. 

Les opérateurs économiques des secteurs DM et DIV doivent se préparer à cette responsabilité accrue, ainsi qu’à ses possibles répercussions financières (augmentation du coût des assurances).  

Il est essentiel de profiter de la période de transition de 24 mois prévue par la Directive pour travailler en étroite collaboration avec des experts juridiques afin de comprendre les rouages de la responsabilité du fait des produits défectueux. 

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