Où en est-on aujourd’hui? Qu’est-ce qui nous attend demain? Faisons le point sur les principales informations à retenir.
Dans le domaine de la santé, l’application de la Loi « anti-cadeaux » est incontournable et les fabricants de dispositifs médicaux y sont bien entendu soumis. D’autant plus que les contrôles ont tendance à s’intensifier depuis les bruyants scandales sanitaires. Petit tour d’horizon de cette loi qui ne fait pas de cadeaux !
Qu’est-ce que la Loi « anti-cadeaux » ?
Il s’agit de la Loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, dite « Loi DMOS ». Elle a notamment été consolidée par la Loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dite « Loi Bertrand ». Vous pouvez retrouver la version consolidée de la Loi « anti-cadeaux » à l’article L4113-6 du Code de la santé publique.
Quel est le principe de la Loi « anti-cadeaux » ?
La Loi « anti-cadeaux » a mis en place un dispositif anti-corruption dans le but de moraliser les relations entre les industriels et les professionnels de santé. Elle interdit :
- Pour les professionnels de santé, le fait de recevoir des avantages illicites de la part d’industriels du secteur de la santé
- Pour les industriels, le fait de proposer ou procurer ces avantages aux professionnels de santé
Les industriels et les professionnels de santé sont donc co-responsables sur un plan pénal.
Qui sont les professionnels de santé concernés ?
- Les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes et pédicures podologues
- Les étudiants se destinant à l’exercice de l’une de ces professions
- Les associations représentant les professionnels de santé et/ou les étudiants se destinant à l’exercice de l’une de ces professions
Qui sont les industriels concernés ?
Les entreprises concernées par la Loi « anti-cadeaux » sont celles assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de Sécurité sociale.
Précision qui a son importance : la détention d’un SEUL produit remboursable dans le portefeuille d’une société suffit à l’assujettir aux obligations de la Loi « anti-cadeaux », même si ses relations avec les professionnels de santé concernent des produits non-remboursables de son portefeuille.
Qu’est-ce qu’un avantage au sens de la Loi « anti-cadeaux » ?
La notion d’avantage s’entend largement et inclut : les cadeaux, la prise en charge des frais de repas, d’hébergement ou de transport, la mise à disposition gratuite de matériel, les remises sur l’achat de matériel, etc.
Néanmoins, les avantages de valeur « négligeable » ne sont pas considérés comme des avantages au sens de la Loi « anti-cadeaux ». Il n’existe pas de seuil légal ou réglementaire quant à la notion de « négligeable ». Les instances ordinales (Conseil National de l’ordre des médecins, Conseil national de l’ordre des pharmaciens) admettent cependant qu’un avantage inférieur ou égal à 30 € HT par an et par bénéficiaire constitue un avantage de valeur négligeable. Pour qu’ils soient licites, ces avantages doivent avoir trait à l’exercice de la profession du bénéficiaire (comme par exemple les carnets de prescription, agendas et bloc-notes). Exit donc les bouteilles de champagne de fin d’année !
Rappelons également que si la valeur unitaire des avantages excède 10 € TTC, ils doivent être publiés au titre de la transparence.
Quels sont les avantages interdits ?
Par principe, tous les avantages sont interdits. Seules quelques dérogations sont prévues par la Loi « anti-cadeaux ».
Quels sont les avantages autorisés ?
La Loi « anti-cadeaux » autorise trois types d’avantages, sous condition :
1. Les avantages perçus par les professionnels dans le cadre d’activités de recherche ou d’évaluation scientifique
2. Les avantages perçus par les étudiants se destinant à ces professions pour des activités de recherche dans le cadre de la préparation d’un diplôme
3. L’hospitalité offerte à des professionnels de santé/étudiants lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique, sous couvert qu’elle soit :
- d’un niveau raisonnable (les Conseils de l’Ordre ont leur propre barème)
- limitée à l’objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation (le séjour ne peut s’étendre au-delà des dates de la manifestation)
- et non étendue à des personnes autres que les professionnels/étudiants directement concernés (les conjoints ne sont pas conviés)
Seule condition, une convention doit être conclue entre les deux parties et doit être soumise, par l’industriel, à l’Ordre professionnel concerné.
A compter de la réception de la convention, les instances ordinales ont un mois pour rendre leur avis sur l’hospitalité et deux mois pour les activités de recherche. Si elles ne répondent pas dans les délais impartis, l’avis est réputé favorable.
Précisons que l’avis rendu par l’instance ordinale est consultatif, non contraignant. Ainsi, une opération peut être mise en œuvre malgré un avis défavorable des instances ordinales. Néanmoins, les entreprises doivent informer les professionnels de santé bénéficiaires de l’avis défavorable avant la mise en œuvre de l’opération. Par ailleurs si une entreprise décide de procurer un avantage malgré un avis défavorable, elle devra en informer les instances ordinales.
Quelles sont les sanctions en cas d’infraction ?
Le fait pour les industriels de proposer ou de procurer des avantages interdits aux professionnels de santé est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
Même sanction pour les professionnels de santé qui reçoivent ces avantages, assortie d’une interdiction temporaire d’exercer de 10 ans.
CE QUI VA CHANGER A PARTIR DU 1ER JUILLET 2018 ?
L’Ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 publiée au Journal officiel du 20 janvier 2017, renforce considérablement le dispositif « anti-cadeaux ». Les dispositions de cette Ordonnance entreront en vigueur « à des dates fixées par décret et au plus tard le 1er juillet 2018 ». C’est la fin du fameux article L. 4113-6 du Code de la santé publique et le début d’une nouvelle ère des relations entre industriels et professionnels de santé.
Parmi les modifications majeures impactantes, notons :
1. Une extension du champ des acteurs concernés :
- à TOUS les professionnels de santé, aux étudiants en formation initiale ET en formation continue, aux associations regroupant professionnels de santé et étudiants y compris les sociétés savantes et conseils nationaux professionnels, ainsi qu’à l’ensemble des personnes qui participent à l’élaboration d’une politique publique en matière de santé ou qui sont titulaires de pouvoirs de police administrative à caractère sanitaire
- à toutes les entreprises qui assurent des prestations, produisent ou commercialisent des produits de santé, sans considération d’une éventuelle prise en charge par les organismes de Sécurité sociale
2. Des précisions sur ce qui n’est pas constitutif d’avantage
3. Des précisions sur la nature des dérogations (avantages autorisés prévus par convention)
4. Un renforcement des conditions de dérogation. On passe d’un système d’avis à un système d’autorisation. Au-dessus d’un certain seuil (qui doit encore être déterminé par arrêté), l’entreprise devra réaliser une demande d’autorisation auprès de l’autorité administrative compétente ou de l’ordre professionnel concerné. En dessous de ce seuil, l’entreprise devra tout de même déclarer l’avantage.
5 .Une modification des sanctions pénales : les sanctions sont surtout alourdies du côté des industriels :
- Les industriels proposant ou procurant des avantages interdits seront toujours punis de deux ans d’emprisonnement mais le montant de l’amende sera de 150 000 € et pourra même être porté à 50 % des dépenses engagées pour la pratique constituant le délit.
- Les bénéficiaires de l’avantage verront leur peine d’emprisonnement réduite à un an et l’interdiction d’exercer à cinq ans. Le montant de l’amende sera maintenu à 75 000 €.
Il est essentiel de commencer à vous familiariser avec ces évolutions à venir. Communiquez, partagez et mettez en place des procédures internes !
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Par Chloé Dhordain