Le monde des affaires réglementaires fait souvent face à des « zones d’ombres » notamment en termes d’interprétation de nouvelles dispositions. La situation politique européenne actuelle du fait du hard Brexit qui se profile nous amène une fois de plus à gérer des incertitudes.

Nous concernant, l’enjeu est énorme puisqu’on estime que près de la moitié des dispositifs médicaux (DM) du marché européen sont sous certification d’organismes notifiés (ON) britanniques et que 70% des fabricants hors UE font appel à ces mêmes ON pour leur certification.

Comment gérer au mieux cette éventualité ? Voici nos conseils.

I/ J’ai un Organisme Notifié britannique : qu’est-ce que je fais ?

Quoi qu’il advienne, le Royaume-Uni (RU) deviendra un pays tiers à compter du 30 mars 2019 entrainant de fait la perte du statut des ON ayant leur siège social au RU. La disparition des ON entrainera l’invalidité des certificats émis. Il est donc URGENT de vous rapprocher de votre fournisseur afin d’engager un transfert vers un autre ON de l’UE.

La base de données européenne NANDO recense à ce jour 4 ON Britanniques, à savoir BSI, SGS, LRQA et UL. Dans ce contexte deux possibilités s’offrent à vous : la migration ou le transfert.

La migration est possible si votre ON britannique dispose d’une autre entité au sein d’un état membre de l’UE. C’est le cas, par exemple, de BSI aux Pays-Bas et de SGS en Belgique (LRQA étant en cours de désignation MDR aux Pays-Bas).

Le transfert est votre alternative si votre ON Britannique ne dispose pas d’une autre entité au sein de l’UE. Il vous faudra transférer vos certificats vers l’ON européen de votre choix, ou, à défaut vers celui qui sera disposé à vous accueillir dans les délais impartis. Le coût de ce transfert sera à déterminer auprès de l’ON.

Ce changement d’ON aura des impacts sur vos produits notamment en termes d’étiquetage, pour lequel un délai de grâce pourrait être accordé [1].

Si le changement d’ON n’est pas effectif au 30 mars 2019, alors vos certificats devenus caduques ne vous permettront plus de vendre vos produits. Demeure une issue de secours en cas d’allongement du délai de transfert : l’éventuelle tutelle de l’autorité nationale compétente du siège social du fabricant du DM. Celle-ci durerait le temps de l’attente de certification pour ne pas laisser le fabricant « orphelin ». Cette hypothèse est laissée à la discrétion de l’autorité compétente et en lien avec les recommandations émises par le CAMD (Competent Authority for Medical Device) en date du 19 octobre 2016 [2].

II/ J’exporte au Royaume-Uni : Qu’est ce qui va se passer ?

Au 30 mars, le Royaume-Uni devenant pays tiers, ses frontières fermeront.

Les autorités Britanniques ont précisé que dans l’hypothèse d’un NO DEAL il y aurait malgré tout une reconnaissance de la validité de tous les DM habilités à circuler librement sur le marché de l’UE (pour une durée qui reste encore à déterminer). Elles précisent cependant qu’un enregistrement préalable à la mise sur le marché auprès de la MHRA[3] deviendra obligatoire. Cette dernière continuerait d’effectuer une surveillance nationale des DM sur le marché britannique et serait libre de prendre une décision nationale sur la commercialisation d’un dispositif au RU.

Le gouvernement britannique garantie que les règles de l’UE en vigueur seront, à terme, converties en droit britannique. Un projet de législation « Medical Device Regulation 2019 » incluant DM et DMDIV a été publié en début d’année. Le nouveau marquage UKCA a été dévoilé le 2 février, et il est prévu qu’il remplace, à terme, l’actuel marquage CE des DM au sein du RU.

Concernant les relations du RU avec ses différents partenaires commerciaux, des négociations avec certains pays tiers tels que la Suisse [4], l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et les USA sont en cours (cf. projet de loi). D’autre part, un ARM (Accord de Reconnaissance Mutuelle) entre l’UE et le RU devrait probablement voir le jour puisque des tractations politiques sont menées en ce sens au Parlement Européen.

III/ Quel avenir pour les opérateurs économiques au sein du RU ?

La sortie de l’UE aura des conséquences sur le statut des opérateurs économiques. De manière générale, l’ensemble des contrats devront être révisés entre les parties du fait de ces changements de statut.

Ainsi, un distributeur britannique de dispositifs fabriqués au sein d’un pays membre de l’UE (hors RU), deviendra après la date de retrait, également importateur pour lesdits dispositifs de l’UE (au sens de la réglementation britannique– sous réserve d’accord entre les acteurs). Ce changement de statut modifiera les prérogatives et obligations de l’opérateur économique en question.

De la même manière, les fabricants ayant fait le choix d’un mandataire établi au RU (qui perdra son statut du fait du retrait de l’UE) devront désormais collaborer avec un nouveau mandataire établi dans l’un des pays de l’UE. Réciproquement, la représentativité de ce fabricant côté britannique devra être assurée par une « Responsible Person » sur place, comme l‘a précisé la MHRA.

La situation demeure complexe, et l’on attend beaucoup des institutions, et des autorités régulatrices compétentes ces prochains mois. Ironie du sort, dans la course à la conformité sous les nouvelles législations bientôt applicables, pour le moment, le seul ON désigné sous le règlement UE 2017/745, n’est autre que BSI UK.

Vous avez des questions ? Des décisions stratégiques à prendre au sein de votre entreprise du fait du Brexit ? N’hésitez pas à prendre contact avec nous afin d’établir ensemble la stratégie la mieux adaptée à vos besoins : contact

Rédactrices : Astrid DAYDOU et Christèle EAST

[1] Selon l’un des ON contacté à ce sujet en cas de migration vous auriez 1 an pour changer le labelling de vos produits.
[2] Cette hypothèse est émise par analogie avec le cadre des suites réservées aux procédures de dénotification et de cessation d’activité des ON et n’engage pas la responsabilité de nexialist.
[3] Délai de grâce pour l’enregistrement MHRA préalable à la MSM en fonction de la classe du DM (§2.7)
[4] https://www.eda.admin.ch/missions/mission-eu-brussels/fr/home/actualite/news.html/content/dea/fr/meta/news/2017/12/22/69368
www.eda.admin.ch/dea/en/home/europapolitik/ueberblick/brexit.html